Forts de leur expérience en vente de colis à la ferme, de plus en plus d’éleveurs cherchent à nouer des partenariats avec des bouchers et des restaurateurs qui souhaitent proposer de la viande locale au menu de leur établissement. Pour mettre toutes les chances de leur côté, certains éleveurs n’hésitent pas à se différencier par leur méthode d’élevage, tout comme nous l’explique Monsieur Raven de l’élevage du Mont Des Brumes à Stoumont.

Elevage du Mont des Brumes – Harry Raven et Florence Schair –  0498/403533 – elevagedumontdesbrumes@gmail.com – https://www.rtbf.be/auvio/detail_elevage-du-mont-des-brumes?id=2241907

Le veau sous la mère : une méthode d’engraissement alternative

Depuis 2016,  l’exploitation bio du Mont des Brumes, s’est spécialisée dans l’élevage de viande de veau « gourmand ». Inspiré par la méthode française dite du veau sous la mère, Harry et Florence ont adapté cette technique aux spécifications  de leur exploitation. L’exploitation se compose de septante vaches de race Limousine. Pour valoriser au mieux cette viande d’exception, Harry souhaiterait travailler en direct avec des bouchers et/ou restaurateurs de sa région.

Contrairement à la tradition, la viande de veau du Mont des Brumes est couleur rosée et non blanche. Pour privilégier le bien-être animal, Harry et son épouse ne voulaient pas d’un veau anémique et souhaitaient respecter au maximum l’instinct du ruminant. Les éleveurs donnent donc aux veaux la possibilité de manger du foin et une farine de céréales produite sur l’exploitation.

En parallèle à cette alimentation, le veau tète sa propre mère, et dispose en plus d’une vache laitière appelée « tante nourrice ». Ces veaux : reçoivent donc beaucoup plus de lait. Ils sont logés à l’intérieur dans des loges paillées ; les vaches rentrent quant à elles deux fois par jour pour l’allaitement. Ces veaux sont très calmes et habitués à l’homme : « si bien que nous remarquons une diminution du stress lorsque l’on conduit les animaux à l’abattoir », explique H.Raven. Le lait de ces vaches est donc un lait de pâturage, leur alimentation est ainsi complétée par des céréales 100 % locale.

S’adapter aux tendances de consommation

Depuis plus de dix ans, le secteur de la viande est secoué par des scandales (images tirées des abattoirs sans contexte, industriels peu scrupuleux, études mondiales de l’impact de l’élevage sur l’environnement …) et des mutations diverses (montée en flèche du veganisme, renforcement des mouvements anti-spécistes, …). Tout ceci a entrainé une forte baisse des achats de viande, notamment bovine, ayant diminué de 25% depuis 2010 (Vlam – enquête GFK 2016).  Dernièrement, la marque de charcuterie Fleury Michon  estimait quant à elle que d’ici 2020, plus de 20% de ses ventes seront réalisées sur des produits vegans. Tous ces événements se renforcent et ont pour malheureuse conséquence de ternir le travail des agriculteurs, impactant directement leur revenu et bafouant jusqu’à leur intégrité.

C’est principalement pour sortir de cette crise et tenter de créer de la valeur ajoutée qu’Harry a décidé d’élever ses bêtes d’une manière différente, en utilisant une méthode moins classique, tout en assurant grande qualité de la viande. Son objectif est de pouvoir positionner sa viande autrement sur le marché de la consommation. Proposer des productions en créant une image de haute qualité est en effet une des pistes préconisées par Pierre-Alexandre Billiet, CEO Gondola Group, dans sa présentation « Les canaux alternatifs pour la consommation de viande » lors du 2ème Sommet des éleveurs à Libramont (novembre 2018).

Améliorer la collaboration entre éleveurs et bouchers : une nécessité

La valorisation des productions locales peut se faire au travers un intermédiaire/transformateur.

Les éleveurs commercialisant leur viande en directe de la ferme sont en effet peu nombreux et difficilement quantifiables. Selon le rapport 2016 de Diversiferm sur les circuits courts, il semblerait que seulement entre 5 et 9% d’agriculteurs wallons font de la vente en circuit court et seulement 1,5% transformeraient des produits à la ferme, toutes spéculations confondues.

Une alternative plus pratique pour certains éleveurs peut donc être de confier l’art de la découpe et de la préparation de leur viande aux bouchers, maitres en la matière. Mais là aussi, souci logistique pratico-pratique : il n’est pas toujours simple de se trouver, ni de s’organiser…

Certains bouchers sont désireux de travailler des viandes locales, mais « pour l’organisation en vente directe avec les bouchers, il faudrait revoir les possibilités de logistique de la ferme jusque la boucherie ». Selon J-L Pottier, Président de la Fédération Francophone des bouchers belges, la logistique d’acheminement des animaux et la prise de contact entre les acteurs de la filière semblent être des freins majeurs à la collaboration entre les 2 parties.

Autre défi de taille pour le boucher : convaincre et séduire ses clients des qualités des viandes de son étal. Pouvoir raconter à la place des éleveurs, l’histoire de ces vaches qui paissent au grand air, parmi leurs congénères, tout en veillant sur leurs petits, c’est aussi tout l’art du commerçant. Encore une fois, il y a un enjeu d’éducation auprès du consommateur, et du boucher, car la viande de veau rosée, on n’y est pas tellement habitués…

Créer du lien entre professionnels de la viande et éleveurs, avec internet c’est possible !

Toujours est-il, une prise de conscience collective est en train d’opérer. Preuve en est par exemple, la thématique du 3ème Sommet des éleveurs de Libramont « Une autre distribution pour valoriser vos produits», ou encore les initiatives de plus en plus nombreuses sur internet qui veulent créer du lien entre les agriculteurs, les consommateurs et les professionnels de la viande, comme l’application BeefTake ou encore les sites de ferme proposant les commandes de colis de viande.

C’est dans cet esprit de connexion entre les éleveurs que le site easy-agri.com a été créé : véritable deuxième-main de l’élevage, la plateforme permet à l’utilisateur de rechercher ou de proposer facilement à la vente des bêtes de son troupeau. Depuis peu le site dispose aussi d’un annuaire et d’une partie « professionnels de la viande », en vue de dynamiser ces échanges.